Être ici et là-bas

Quand on décide de changer de vie, de vivre sur un autre continent, dans un autre pays que celui où on a grandi, il ya toujours la représentation qu’on se fait et la réalité.

Au delà du rude hiver et des quelques différences dans la langue française, les réalités du marché de l’emploi et l’isolation sont les plus grands défis rencontrés, depuis que je vis au Canada.


Dans cet article, je resterai focus sur l’isolation. J’ai traversé deux phases : celle du déni et celle de l’acceptation.

Le déni 

2 ans et demi déjà au Québec et je n’avais toujours pas goutté la poutine. Je comptais y remédier évidemment. En attendant, mon excuse c’était la promesse non tenue pour l’instant, d’être invitée par des  proches pour déguster la meilleure poutine de Montréal. La poutine c’est quoi ? vous me direz. Je vous répondrai : c’est le ndolè du Cameroun, le Tchep bou djen du Sénégal, l’injera de l’Ethiopie, le fufu du Togo. C’est ce plat incontournable qu’il faut avoir goutté au Canada. J’ai cité tous ces pays parcequ’ils font partie de mon identité. Oui, tous.

Comment peut on être d’autant d’endroits, tout en intégrant un nouvel environnement, et ne pas risquer d’avoir l’esprit confus ? Avant d’ arriver à la réponse à cette question, je m’explique un peu sur l’exemple gastromique choisi plus haut.

Inconsciemment, découvrir le plat national suggérait que j’étais ancrée ici et que je m’éloignais de là-bas. Malgré le fait d’être hyper informée, via les réseaux sociaux et des sites d’informations, cette peur de manquer quelque chose, de confirmer enfin mon impuissance due à la distance, était bien là.

Cette vérité à laquelle il fallait faire face était celle d’appartenir à cette diaspora qui pouvait être applaudie aujourd’hui, et, épinglée demain. J’étais maintenant englobée dans les injonctions du type : « pas de carte, pas d’avis » « Vous n’êtes pas sur place, vous n’avez rien à dire », « Vous avez choisi de partir donc taisez vous sur ce qui se passe au pays  » etc.

Alors peut être que participer aux débats sur les réseaux sociaux, soutenir des causes et projets me maintiendraient dans la catégorie des personnes parties mais qui continuent de compter. Comme j’avais tort. Cette envie de « performer » en sachant que mon emploi du temps d’ici, le décalage horaire, mon statut de nouvelle arrivante en constante adaptation ne me permettraient jamais d’être à « la hauteur ». La hauteur. Celle de qui au fond ? Qui fixe les règles ? Qui viendra me retirer mes identités multiples ? Mon vécu ? 

Un des épisodes du podcast « Kiffe ta race » parle de ce conflit intérieur et même extérieur qui peut y avoir lorsqu’on a plusieurs identités. La réponse que j’ai pu y trouver c’était que malgré le regard extérieur, personne ne pouvait me retirer mon vécu et ce que je suis réellement. Alors pourquoi ne pas être ici celle que j’étais là-bas ? celle qui aime découvrir, goûter, échanger. Pourquoi m’empêcher de l’être ici ? 

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La route de l’acceptation

J’ai compris qu’il faut accepter d’avoir l’esprit confus tout simplement. Il faut accepter d’être parfois nostalgique. Il faut accepter avec ou sans culpabilité de se sentir parfois bien ici. Il faut accepter ce flot d’émotions parfois contradictoires et en faire des alliés.

Dans les moments de nostalgie intenses, acheter du ndolè dans l’épicerie camerounaise du coin. Concocter un tchep quand on en a la possibilité ou du fufu. Rester informée et savoir prendre du recul face aux différentes injonctions. Par ailleurs, je n’ai vraiment pas besoin de participer à tous les débats.

Pour ma vie ici, ne surtout pas fermer la porte à la découverte. Que ce soit dans la gastronomie ou dans d’autres domaines. Je m’intéresse donc de plus en plus à la scène créative en dehors de mon boulot normal. Pour le podcast des Maters, j’ai interviewé 2 femmes vivant au Canada et je prévois d’autres collaborations. Accepter de faire le premier pas, de parcourir parfois de longues distances et s’organiser pour rencontrer les gens d’ici.

Concernant la poutine, j’ai enfin franchi les portes de ce fameux restaurant. Un jour de la semaine où mes horaires de travail me le permettaient. Je suis allée vers la banquise et me suis laissée emporter par la délicieuse ambiance qui y règne. Le dj passait du reggae, de la soul, les serveurs chantaient en nous servant et la poutine… la poutine était tout simplement exquise. 

A votre tour dites moi, comment faites vous pour être ici et là-bas ?   


– La Playlist –

Behailu Bayou – Feta Feta

Etienne Mbappe – Cameroun o mulema

Nix – Badou Meun Lepp 

Djifason – Kodjono

Corneille – Parcequ’on vient de loin 

 

 

 

Auteur : Téclaire

Passionnée d'écriture, de conversations autour des femmes, de projets créatifs et de podcasts, j’ai porté plusieurs casquettes autour de ces thématiques. Après une enfance au Cameroun, une décennie au Sénégal, je vis avec ma petite famille, depuis 5 ans déjà au Canada.

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